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11 septembre 2001 : les sapeurs-pompiers de l'Essonne se souviennent

Panorama du sommet de la tour L31 à Evry
Panorama du sommet de la tour L31 à Evry

En 2011, à l’occasion du 10e anniversaire des attentats du 11 septembre 2001, 8 sapeurs-pompiers nous avaient raconté leurs souvenirs de ce jour ayant durablement marqué le monde et leur profession. Trois ans plus tard, une semaine avant le 13e anniversaire de la catastrophe, nous les publions de nouveau.

 

Mardi 11 septembre 2001… Une journée comme les autres s’écoule en Essonne. Quatre jours plus tôt, une cérémonie a marqué le départ du Sdis du directeur départemental, le colonel Jacques de Kuyper. Il fait beau, l’activité opérationnelle est marquée, entre autres, par un feu à Viry-Chatillon mobilisant les sapeurs-pompiers une bonne partie de l’après-midi. Sur les lieux, ils apprennent via le Centre opérationnel départementale d’incendie et de secours (Codis) qu’un attentat a eu lieu à New York. A leur retour, ils allument la télévision.

Cette journée du 11 septembre reste vive dans les mémoires. Elle entre dans la catégorie des événements pour lesquels on se souvient de tout : comment on l’a appris et comment on l’a vécu, heure par heure. Comme si c’était hier. Cet après-midi-là, en dehors des opérations de secours, les agents du Sdis ont comme été paralysés par cette catastrophe, littéralement « scotchés » devant leurs écrans. Les incidences sur le Sdis ont été minimes. Durant quelques heures, une équipe de trois sapeurs-pompiers, destinée à assurer une mission d’expertise, est restée en alerte avant d’être annulée.
Aujourd’hui, lors des formations de maintien des acquis des officiers, les formateurs questionnent les stagiaires sur ce qu’évoque un Plan Rouge pour eux (ndlr : aujourd’hui appelé plan NOVI, pour Nombreuses Victimes). La réponse se retrouve en images avec les deux tours attaquées de New York et ses 2 985 morts. Y figurent aussi les attentats de Bali du 12 octobre 2002 (202 morts), de Madrid le 11 mars 2004 (191 morts), de Londres le 7 juillet 2005 (56 morts) et de Bombay les 26-29 novembre 2006 (172 morts). Et depuis le 12 juillet 2013, s’est ajoutée à la liste, la catastrophe ferroviaire de la gare de Brétigny-sur-Orge.


Dix ans après le 11 septembre 2001, plusieurs sapeurs-pompiers, en poste ce jour-, ont raconté leurs souvenirs :


Colonel Jean-Pierre Caron – ancien directeur départemental adjoint : « je me trouvais au Codis à Evry au moment où cet attentat a eu lieu. En direct sur une chaîne télévisée, j’ai suivi le crash du second avion dans les étages supérieurs du World Trade Center. Après quelques minutes où l’on se demande « est-ce réel ou est-ce de la fiction ? », la dure et triste réalité nous ramène très vite à des réflexes professionnels. « Cela peut-il arriver en France ? Que ferais-je dans une telle situation ? » … Et bien d’autres questions encore.
Puis soudain, l’effondrement de la première tour, puis de la deuxième… Comment ne pas imaginer les conséquences humaines pour les personnes encore emprisonnées dans les décombres et plus directement pour les sapeurs-pompiers de New York ? 343 collègues, victimes du devoir, ce qui représente une fois et demi l’ensemble des sapeurs-pompiers de garde chaque jour en Essonne. Et combien de vies et de familles brisées. Aussi, aucune justification ne me semble pouvoir être accordée face à de tels actes ».


Lieutenant-colonel Patrice Rollin – chef du groupement Sud : « j’ai un souvenir très précis, commun avec l’ancien président du Sdis, Etienne Chaufour. Je me trouvais à une réunion à la mairie de Juvisy-sur-Orge pour discuter de la réalisation de mesures de prévention et de plans de secours en matière d’inondation. Nous avons été témoins ensemble de ce qu’il se passait. Encore aujourd’hui, lorsqu’on se croise, on en reparle. Chaque année, à la même date, nous nous recueillons à Etampes devant une stèle édifiée par la mairie devant le centre de secours principal (CSP) en mémoire des pompiers newyorkais disparus. Cette cérémonie est commune aux sapeurs-pompiers et à la commune qui y est très attachée. Les jeunes y sont associés comme lors des cérémonies du 11 novembre ».


Commandant Olivier Gerphagnon – chef du service Maintenance : « Chef du centre de secours principal (CSP) de Viry-Chatillon à l’époque, j’ai participé à l’opération concernant un important feu de toiture d’une entreprise située le long de la RN7. Sur les lieux, un bruit courait… On a appris qu’il se passait quelque chose via le Codis. L’opération nous a pris quelques heures. Une fois rentrés au centre, on a pu voir ce qu’il s’était passé. On revenait d’un feu de toiture et on découvrait l’énormité des attentats. Dans ces cas-là, on se demande comment intervenir ? Cet événement, avec les attentats à l’anthrax par la suite, a été déclencheur de l’ensemble du protocole concernant les attentats NRBC (nouveaux risques bactériologiques et chimiques). Avant 2001, lors des cours sur le risque attentat, on nous disait que les terroristes n’étaient pas intéressés à faire beaucoup de victimes. Le 11 septembre a changé ce discours. »


Commandant Christian Sureau – adjoint du chef du groupement Centre : « j’étais à mon bureau, au service Formation du groupement Sud. On a entendu un flash radio et on a allumé la télé pour découvrir les images. On a visionné les événements toute la journée en se répétant : « ce n’est pas possible ». Tout le monde pensait aux personnes qui devaient intervenir, on était loin de s’imaginer que tout allait s’effondrer. On se disait que les sapeurs-pompiers newyorkais avaient l’habitude de faire des feux de buildings, ce sont des gars aguerris. Quand on voyait les renforts sur place, on se disait qu’ils avaient mis le paquet, on ne pensait pas que le sinistre allait déstabiliser l’ensemble des édifices. Forcément, ça jette un flou, on ressent un certain stress, on se sent démuni et on se demande comment on réagirait en de tels événements ».


Lieutenant Jean-Luc Chevalier – chef du service Logistique de l’Ecole départementale : « en début d’après-midi, en tant que Chef du centre de traitement des appels (CTA) d’Evry, j’assurais la formation de chef de pôle. Du poste de commandement (PC) d’Evry, j’ai donc emmené un stagiaire au sommet de la tour L31 d’Evry. Cet Immeuble de Grande Hauteur (IGH), situé à côté de l’Agora, abrite les relais transmissions. Un chef de pôle pouvant y intervenir, j’ai présenté les branchements et les installations. Le ciel étant dégagé, on a pu profiter du point de vue et admirer le panorama. On voyait loin, on apercevait même la Tour Montparnasse. De retour au PC, on entre dans le hall et on voit tout le monde devant la télé. Alors, je râle un peu « les gars, il est 15h,… ». Et on regarde l’écran pour voir la première tour en feu et le deuxième avion qui arrive ».


Adjudant-chef Fabien Kees – chef d’agrès tout engin au CSP Evry : « de garde au CSP Evry, j’ai découvert la catastrophe en rentrant d’une intervention. Tous, nous étions figés devant la télé ; nous avons vu le deuxième avion percuter la seconde tour. On a continué à partir en intervention, mais l’atmosphère était spéciale. Sur le terrain, on tenait informés des policiers qui n’étaient pas au courant. On entendait aussi des rumeurs de menaces concernant la Tour Montparnasse.
Le soir, nous avons été choqués de voir certaines personnes « célébrer » ces attentats, on pensait à nos collègues disparus. Ils étaient partis pour un feu, ce qui semblait être un accident au départ. A posteriori, on s’est demandé comment ils allaient faire, vu qu’ils avaient perdu 343 pompiers. Toutes les personnes qui étaient de garde ce jour-là ont été marquées ».


Adjudant-chef Patrick Debondue – sapeur-pompier volontaire : « j’étais de garde au centre d’incendie et de secours (CIS) Savigny/Morangis. En tout début d’après-midi, notre équipage VSAV (véhicule de secours et d’assistance aux victimes) a effectué un transport de victime sur le centre hospitalier de Longjumeau. Ayant décalé pendant la pause déjeuner, je n’étais pas au courant de ce qu’il s’était passé. Quand nous sommes arrivés aux Urgences, nous avons été stupéfaits de voir un rassemblement dans la salle d’attente. Patients, consultants et personnels hospitaliers étaient postés devant l’unique télévision et commentaient les images. Certains pleuraient et l’indignation montait progressivement.
Sur la route du retour, les gens discutaient devant les boutiques de la grande rue de Longjumeau ; on avait l’impression que la Terre s’était arrêtée de tourner. Nous pensions à nos collègues pompiers de New York, confrontés à une intervention inhabituelle durant laquelle beaucoup allaient perdre la vie. Au CIS, nous étions tous très émus en voyant les véhicules de secours au milieu des gravats. Nous pensions à nos collègues ensevelis et à leurs proches. Aujourd’hui, il nous reste le souvenir de rencontres avec des pompiers newyorkais et de photos prises lors d’un voyage avant ce 11 septembre 2001 ».


Sergent-chef Benjamin Cherdrong – chef d’agrès tout engin au CIS Sainte-Geneviève-des-Bois  : « j’étais en formation initiale d’application (FIA, aujourd’hui formation d’intégration) à Ris-Orangis. Nous étions au début du cursus et donc casernés toute une semaine, sans accès aux médias. Les téléphones portables n’étant pas aussi sophistiqués qu’aujourd’hui, nous n’avions aucun moyen de savoir ce qu’il se passait. Dans l’après-midi, le directeur de la FIA nous a rassemblés pour nous dire que l’heure était grave, deux avions avaient percuté les tours du World Trade Center à New York. En nous divisant par groupe, nous avons eu droit à dix minutes pour voir les images en boucle à la télévision. On se demandait ce qui allait advenir. Plusieurs jours plus tard, suite à l’explosion de l’usine AZF à Toulouse, nous avons connu la même situation. S’il y avait eu un baptême à l’issue de notre année de formation, nous aurions demandé à ce qu’il soit lié à ces événements ».